En descendant
pour prendre mon petit déjeuner le patron me prévins qu’une jeune demoiselle
était passée ce matin et qu’elle me faisait dire qu’elle m’attendrait ce midi
au pied du phare pour un déjeuner champêtre. Je fus surpris de savoir qu’elle
était déjà au courant de ma présence alors que je ne l’avais pas prévenu de ma
visite. Le patron me voyant stupéfait me rassura en m’indiquant que le village
entier était déjà au courant de mon arrivée. Il me confirma que les gens du
coin n’avaient pas l’habitude de voir des étrangers et qu’ils étaient très
superstitieux. Je lui demandai s’il lui était possible de me préparer de quoi
déjeuner dehors ce midi et il m’indiqua que la demoiselle avait déjà tout
prévu. Avant que j’ai eu le temps de l’interroger sur Helena il disparu en
cuisine me laissant seul avec mes questions. N’ayant rien de particulier à
faire le matin je restai dans ma chambre à travailler mes notes. La matinée
passa rapidement et l’heure du déjeuné arriva bientôt. Je sorti sous un ciel
dégagé dans une fin de matinée ensoleillée et agréable. Une légère brise
apportait les embruns et une multitude d’oiseaux planaient doucement au dessus de
nos têtes. La lumière était douce et le soleil jouait à cache-cache avec les
rares nuages. Je flânai le long du port en attendant la demoiselle quand un
appel dans mon dos me fit sortir en sursautant de ma rêverie. Plein
d’appréhension je me retournai doucement et découvrir une ravissante demoiselle
d’une vingtaine d’année une main tenant son chapeau et l’autre soutenant un
panier remplis. Elle portait une robe finement ouvragée de couleur bleue pâle
dont la jupe comportait nombreux voilage tous parfaitement ajustés entre eux
ainsi qu’un corsage brodé mettant en valeur les lignes généreuses de son corps
menu de femme citadine. Ma première impression fût que son raffinement et son
élégance tranchait avec ce lieu plutôt modeste et terne. Il ne fît aucun doute
pour moi qu’elle ne pouvait qu’habiter le vieux manoir dont je m’étais approché
hier soir. Elle m’adressa un sourire radieux en me saluant. Je lui rendis son
bonjour en lui exprimant ma surprise de la voir m’attendre alors que je ne l’avais
pas prévenu de ma visite. Elle me dit qu’elle avait été prévenue de mon arrivée
et qu’elle s’attendait depuis quelques temps à ce que je lui rende visite. Je
lui fis mile compliment quand à sa beauté, sa tenue et sa charmante attention me
désolant de me comporter comme le dernier des rustres en arrivant ici sans
prévenir ni organiser mon arrivée. Elle se mit à rire avec légèreté et me posa
un baiser sur la joue en me répondant que mon désir de lui rendre visite était
la plus charmante des attentions et qu’elle excusait pleinement mon
empressement. Elle m’indiqua que le meilleur endroit pour déjeuner était la
pointe du vieux phare d’où nous pourrions avoir une magnifique vue sur la baie
et le village. J’acquiesçai en lui et lui proposa fort galamment de la soulager
de son panier. Nous marchâmes tous deux vers le vieux phare le long de la
corniche par un vieux sentier courant irrégulièrement entre les buissons. Je me
rendis vite compte que j’avais eu raison de ne pas m’aventurer de nuit ici.
Nous passâmes le chemin à discuter de la région. Malgré les nombreuses
informations dont elle m’avait déjà fait part par écrit elle regorgeait encore
de petites anecdotes et me fît observer tant de curiosité, de points de vue sur
des détails du paysage que je me dis qu’elle avait dû passer toute son enfance
à parcourir les alentours du village. Tout en continuant de l’écouter
j’essayais de l’imaginer enfant. Elle avait dû être une petite fille espiègle
mais capable de la plus grande écoute et du sérieux propre aux adultes quand il
le fallait. Elle était ravissante et sa conversation était délicieuse. Nous
arrivâmes sans nous en rendre compte au pied du phare. A l’inverse des
alentours du manoir, la corniche était ici complètement dégagée et une prairie
parsemée de rochers couvrait la colline. Un arbre unique et centenaire trônait
au milieu de ce lieu idyllique, un vieux cèdre au branchage tordu et malmené
par les éléments qui en faisait un nœud compact de branches solides, vision qui
me fît penser à la structure même du village : ramassé et prêt à affronter
toutes les agressions extérieurs.
Nous nous
installâmes à son pied et j’étendais la couverture pendant qu’Helena vérifiais
le contenu de son panier. Elle avait préparé un délicieux repas et je me
régalais. Ne la voyant toucher à rien elle m’expliqua qu’elle était malade et
qu’elle avait suffisamment déjeuné ce matin pour tenir la journée. Je
m’inquiétais sur sa santé mais elle esquiva la conversation en me demandant ce
que je pensais de leur village. Je commençais par regretter l’austérité des
villageois sans doute du à l’isolement du village et voyant que ces critiques
l’attristait j’enchaînai rapidement sur la beauté du paysage et la conservation
de la côte sauvage. Elle me sourit de nouveau à ces paroles et je réalisai que
je ne souhaitais plus rien d’autre que de la faire sourire. Elle m’expliqua
qu’en dépit de leur froideur extérieure les habitants du village étaient
solidaires et généreux. Ils étaient tout simplement craintif de ce qui venait
de l’extérieur et craignaient que la tranquillité de ces lieux se perde un
jour, dénaturé par quelques étrangers. C’est pourquoi ils rejetaient tout
contact avec l’extérieur. En fin de
repas alors que je me roulais une cigarette adossé au vieux cèdre elle rosi
légèrement en m’interrogeant sur les motivations de ma visite. Je pris une
longue inspiration, le temps de juger qu’il était trop tôt pour lui dire que
j’étais venu uniquement pour elle, puis lui répondit que je souhaitais voir de
mes propres yeux ce village sur lequel je passait tant de temps d’étude et que
cela me permettais de lier l’utile à l’agréable en lui rendant enfin visite
après une si longue correspondance. Elle sourit timidement comprenant mes vrai
motivations puis resta pensive le regard flottant dans l’étendu maritime. La
laissant à sa réflexion j’observais en détail le phare. C’était une vieille
construction solidement arrimée au promontoire rocheux. La végétation
s’étendait à son pied sans pour autant envahir sa façade comme si la nature
acceptait sa présence et s’en accommodait. Une volée de marche conduisait à une
solide porte. D’après ce qu’il pouvait voir les murs avaient l’air très épais
et il ne doutait pas que le vent devait être rude ici lorsque les éléments se
déchainaient. Pas de fenêtres mais de petites ouvertures faisant penser à des
meurtrières de château fort apparaissaient de part et d’autre de l’édifice. Au
sommet un plateau et une poulie indiquaient qu’à l’origine le phare
fonctionnait au bois. Remarquant mon intérêt pour le bâtiment, Helena m’indiqua
qu’il s’agissait à l’origine d’une tour à feu construite pour éclairer la nuit
le retour des bateaux de pêches rentrant tardivement de la pêche. La structure
avait été conservée pour le remplacement du bucher par une lampe de phare plus
moderne. Elle m’expliqua que l’originalité de ce phare était de fonctionner à
partir d’une génératrice à bois. Cette fonctionnalité avait été décidée par les
habitants, officiellement pour conserver la mémoire de la tour à feu.
Officieusement ils voyaient d’un mauvais œil le passage régulier de citernes de
fioul qui serraient venues ravitailler le phare. Le phare était actuellement
habité par deux frères qui se relayaient chaque soir pour surveiller son bon
fonctionnement. Helena se mît à rire quand je lui demandai si ils vivaient tous
deux à l’intérieur d’un endroit qui paraissait si sinistre et m’indiqua qu’ils
vivaient dans la dernière maison de ce côté ci du village. Elle me promit de
m’emmener un jour visiter l’intérieur du phare afin de me rendre compte par
moi-même qu’il était impossible d’y vivre. Lorsqu’elle vît que je contemplais
la falaise en direction du manoir elle me proposa d’aller faire une ballade en
barque au pied des falaises. J’acquiesçai et nous redescendîmes tranquillement
au village.
Nous passâmes
l’après midi tranquillement en bordure de mer. La mer était calme et je pouvais
conduire la barque assez facilement. Comme Helena l’avait dit la vue en
contrebas des falaises était magnifique et elle me fît visiter de nombreuses
petites grottes creusées par les marées. Ces petites niches ressemblaient à des
cavernes fantastiques regorgeant d’historie de piraterie et de contrebande. On
imaginait des forbans de tous temps surveiller l’entrée de leur repaire. Elle
me raconta qu’elle avait été une enfant espiègle et avide d’exploration. Elle
avait inspecté durant ses jeunes années chacune de ces cavités et elle n’y
avait malheureusement trouvé que ce que son imagination y inventait. Mettant
constamment ses parents dans l’inquiétude elle n’avait eu de cesse de découvrir
tous les petits bijoux que pouvait receler ce lieu idyllique. Je fini par lui avouer
que je trouvais moi-même ce lieu des plus charmants.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire